MON ADO PASSE SON TEMPS DANS SA CHAMBRE, à QUEL MOMENT DOIS-JE M’INQUIéTER ?

La question psy des parents. Toutes les deux semaines, un expert livre ses conseils en matière d’éducation. Mon ado s’isole des heures dans sa chambre, est-ce grave ? Comment réagir si la situation devient critique ? Réponses avec Vincent Joly, psychologue.

Jeux vidéo, réseaux sociaux, séries, mangas… Les activités qui poussent les adolescents à se cloîtrer dans leur chambre sont multiples. « Les normes ont plutôt évolué, en particulier avec la pratique des jeux vidéo en ligne qui est plus fréquente qu’il y a quelques années, et le temps d’écran qui a augmenté, souligne Vincent Joly, psychologue auprès des enfants, des adolescents et des adultes. Par conséquent, on voit beaucoup plus d’adolescents passer énormément de temps dans leur chambre, par rapport à il y a 20 ou 30 ans. » L’une des différentes que l’on observe est liée à la dimension sociale : « Quand ils jouent aux jeux vidéo, ils sont dans leur chambre mais ne sont pas vraiment seuls, en réalité. Ils jouent avec leurs amis. On peut faire le parallèle avec le télétravail pour les adultes : depuis quelques années, de plus en plus d’individus passent leur journée à la maison, mais communiquent avec leurs collègues lors de réunions, par exemple. »  

Néanmoins, certaines activités, comme TikTok par exemple, sont moins constructives et moins sociales que d’autres. « Plus c’est social, plus on y prend du plaisir, plus c’est intéressant, estime Vincent Joly. À l’inverse, plus c’est solitaire, plus c’est répétitif, moins il y a de plaisir, plus ça peut être lié à de la déprime », poursuit-il.

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Prise de distance avec les parents, détresse psychologique 

Par ailleurs, l’une des raisons pour lesquelles un adolescent ou une adolescente aura tendance à rester enfermé dans sa chambre peut tout simplement être dû à sa recherche d’indépendance, qui est tout à fait naturelle à cette période charnière de la vie : « À l’adolescence, on va prendre de la distance avec ses parents, parce qu’on a besoin de se construire en tant qu’individu, d’avoir une sorte de quant-à-soi, rappelle le psychologue. Le lieu où l’on peut être un peu plus soi-même, où l’on peut s’autoriser petit à petit à devenir différent de ses parents et à échapper au fonctionnement familial, c’est la chambre. »

Autre dimension, quand l’adolescent se sent triste ou déprimé ; ou que l’ambiance familiale est mauvaise, il ressentira le besoin de se retrouver dans cet espace intime, comme dans un lieu de repli. D’autant plus que, selon plusieurs études récentes, la santé mentale des jeunes continue de se dégrader, notamment depuis la crise sanitaire du Covid-19. Une étude publiée le 9 avril 2024 par Santé publique France révélait que seulement la moitié des collégiens et lycéens présentent un bon niveau de bien-être mental, selon les critères retenus par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Alors, à quel moment faut-il s’inquiéter ? Quels signes peuvent nous alerter en tant que parents, du fait que la situation est potentiellement problématique ? Comment savoir si son ado traverse une période douloureuse ?  

Comment repérer la dépression et l’anxiété chez son ado ? 

« Les choses deviennent plutôt inquiétantes quand il y a des dimensions de dépression, des éléments de phobie scolaire ou de phobie sociale qui commencent à se manifester », explique Vincent Joly. Les signes de la dépression sont assez simples à percevoir : une tristesse importante qui a des effets sur la vie, un manque d’envie et de plaisir. « Ce sont des émotions que l’on peut traverser à l’adolescence, mais quand ça dure dans le temps, ça peut être préoccupant. »  

« Si l’activité sert uniquement à remplir le vide ou qu’il ne fait rien à part regarder le plafond dans sa chambre, c’est inquiétant » 

Quant à la phobie sociale, elle peut être repérée par les comportements suivants : l’adolescent ne parvient plus à sortir. « C’est-à-dire qu’il ou elle reste dans sa chambre non pas par choix, mais parce qu’il n’arrive plus à faire autre chose, indique le psychopraticien. Pour savoir si son fils ou sa fille prend réellement du plaisir à rester dans sa chambre, il faut s’intéresser un minimum à ses activités. À quoi joue-t-il ? Que regarde-t-il comme série ? De quoi ça parle ? S’il lit un manga et qu’il en est au tome 70 de Naruto, c’est plutôt rassurant. En revanche, s’il joue à Candy Crush toute la journée, qu’il adopte des conduites d’évitement, que l’activité sert uniquement à remplir le vide ou qu’il ne fait rien à part regarder le plafond dans sa chambre, c’est inquiétant. »   

Comment se rassurer, et comment aider son enfant ? 

S’il est important d’essayer de comprendre le monde culturel des adolescents en dialoguant, plutôt que d’essayer de les y arracher, il faut éviter d’aller les espionner, de fouiller leur téléphone portable ou encore leur journal intime, car cette réaction est assez fréquente. Il peut aussi être utile d’en parler à d’autres personnes, à d’autres parents, pour relativiser et se rassurer. 

Si la situation semble critique, comment réagir ? « Quand l’estime de soi des ados commence à s’effondrer complètement, qu’ils commencent à dire et à penser qu’ils sont nuls, c’est embêtant. Dans ce cas-là, il est toujours intéressant d’aller consulter un professionnel », insiste l’expert. Quoi qu’il en soit, s’il s’agit d’une dépression, il est important d’être à l’écoute sans essayer de trouver une solution instantanée. 

« Ça vaut toujours le coup d’être sincère, sans tenter des stratégies trop compliquées » 

S’il y a des signes d’anxiété ou de dépression, comment en parler à son enfant sans le braquer ? « Ça vaut toujours le coup d’être sincère, sans tenter des stratégies trop compliquées ou s’exprimer comme un chargé de communication du gouvernement. C’est-à-dire qu’il faut éviter d’employer un ton de voix qui tente de masquer les émotions comme si l’on récitait une leçon : “Mais tu sais, je suis ta mère et je m’inquiète, car une mère ça s’inquiète pour son fils. Tu peux tout me dire, je suis là pour t’écouter.” » Dire plutôt : « Tu ne descends jamais, on mange sans toi, s’il y a quelque chose qui ne va pas, dis-le-moi. » Pour cause, si l’on a besoin de renouer le dialogue avec son fils ou sa fille en lui demandant de partager ses émotions, il est important de mettre des mots sur les nôtres.  

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