Après un détour par le stoïcisme, Harper’s Bazaar continue d’explorer la sagesse antique pour inspirer la beauté d’aujourd’hui. Prochain arrêt : l’épicurisme.
Fondé par Épicure à Athènes vers 306 av. J.-C., ce courant de pensée prône la recherche du bonheur à travers la simplicité, les liens, et l’écoute de ses désirs. À distinguer de l’hédonisme — marqué par l’excès —, l’épicurisme se conçoit comme une science du plaisir. Il vise à atteindre l’ataraxie — la paix de l’âme — et l’aponie, l’absence de douleur physique. “Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir, et pour l’âme, à être sans trouble”, écrit Épicure dans sa fameuse Lettre à Ménécée.
L’épicurisme fonctionne comme une thérapie complète du corps et de l’esprit : il s’oriente vers les plaisirs simples et naturels — manger, dormir, cultiver l’amitié — et se distingue des plaisirs “vains”, comme la quête de richesse ou de pouvoir, qui troublent plus qu’ils n’apaisent.
L’épicurisme redéfinit le bonheur non comme intensité, mais comme régularité : un état d'équilibre et de constance, entre le corps, le temps, et le monde.
Traduit dans une sensibilité contemporaine de la beauté et du bien-être, l’épicurisme rejoint la culture wellness, qui valorise des pratiques physiques et mentales sans recherche de performance ni de compétition.
Cette approche en douceur privilégie le yoga, les étirements, la respiration profonde, la méditation, la pleine conscience, ou encore la marche : chaque activité est envisagée comme un rituel de reconnexion à son monde intérieur et extérieur. Ici, on cultive un bien-être dans son enveloppe corporelle - comme point d’ancrage et de regard sur le monde.
Le rapport à l’alimentation s’inscrit dans cette même logique : la diététique se simplifie : elle est ni privative, ni excessive. Ce qui est valorisé est le temps passé à cuisiner, au plaisir pris dans la nourriture, au partage des repas.
Effectivement, cette philosophie accorde une grande place à l’amitié, aux liens et à la communauté, essentiels à un bien-être émotionnel et relationnel. Le self-care devient aussi care de l’autre : écoute, entraide, rituels partagés. Dîners, cérémonies, cercles de lecture, de parole ou d’écoute rejoignent ce même élan.
Une intuition déjà présente chez Émilie du Châtelet. Dans son Discours sur le bonheur, elle affirme un droit de cultiver les plaisirs simples, de s’autoriser le bonheur, et d’exercer une liberté de pensée et de vie — une forme de savoir qui dépasse les rôles imposés aux femmes, et conduit à un rapport plus libre au monde comme à soi.
Ni excès, ni ascèse : un plaisir en conscience, un bien-être durable. En reconfigurant notre rapport au temps, au corps et au plaisir, l’épicurisme redéfinit la beauté comme un état de présence libre, détaché des injonctions, ajusté à l’essentiel.
2025-06-22T14:23:13Z